Si l’auteur de Dieu n’est pas con n’est plus très étranger au lectorat béninois qui lui connaît déjà Colorant Félix publié en 2021 et surtout, le blog littéraire ‘‘Biscottes littéraires’’, le titre de ce deuxième roman en revanche éveille bien des curiosités. C’est à la page 116 de l’ouvrage que l’on retrouve un premier brin de lumière à ce propos : « Dieu n’est pas con en nous créant libres et intelligents ».
Interrogé là-dessus, le père Akpo explique qu’il s’agit, en réalité, de l’aboutissement de ses réflexions sur divers phénomènes induits par les mutations du monde contemporain. « C’est une phrase qui m’est devenue connaturelle, soupire-t-il. Je me demande, en effet, si Dieu était si con, pourquoi nous aurait-il créés différents, hommes et femmes par exemple ? ». Sous ce prisme de remise en cause et sur un ton quasi-polémiste, le romancier, à travers certains personnages du nouveau roman, pose un regard critique sur la pratique de la foi en Afrique.
« Aucune société ne s’est développée en ne faisant que prier »
« Notre sous-développement [en Afrique NDLR] s’explique, entre autres, par notre propension à croire que prier sans transpirer, c’est-à-dire sans travailler ardemment, peut nous sauver » lit-on à la page 113. Plus loin, le diagnostic de l’écrivain est davantage incisif : « Nombre d’entre nous délaissent le travail et les occupations professionnelles nécessaires à tout progrès pour se réfugier dans les lieux de culte priant du matin au soir et du soir au matin ».
Cela ne semble pas du goût du romancier qui fait dire à son personnage Pawa qu’« aucune société ne s’est développée en ne faisant que prier, chanter, acclamer, siffler, parler en langues (…) diaboliser cultures et coutumes, trouver des sorciers partout (…) et oublier de se battre contre la pauvreté et la misère ». « Ailleurs, se désole le romancier, les autres sont au travail, investissent dans la recherche scientifique, les inventions et découvertes. Nous autres, sommes là, les yeux levés au ciel, et sommes surpris de notre situation d’éternels assistés ».
Mais auprès de La Croix Africa, le père Akpo, nuance : « je ne demande pas de ne pas prier. Il faut prier ; c’est fondamental. Mais il s’agit de prier pour avoir la force de continuer l’œuvre de la création ». Et de lancer : « Sur la question, nous prêtres, dignitaires des religions endogènes, imams, bref, tous les chefs religieux, qui bénéficions encore en Afrique de l’écoute de plus de la moitié de la population, avons une grande responsabilité : avoir l’honnêteté morale, après leur avoir dit de prier, de les exhorter aussi au travail ! ».
« Tout développement qui ne met pas l’homme au centre exclut Dieu »
Dans ce roman, le père Akpo aborde également d’autres problèmes de société : dépigmentation, châtiment corporel et abus sexuels sur mineures en milieu scolaire, nécessité d’une réforme du système éducatif dans certains pays africains, etc. À ses yeux, « il est nécessaire de sonner le glas de ces procédés pédagogiques qui n’ont jamais rendu les apprenants capables de transformer leur milieu de vie ».
Par ailleurs, il rappelle dans ce roman, la nécessité de mettre l’homme au centre du progrès : « tout développement qui ne met pas l’homme au centre de ses préoccupations exclut, par le même fait, Dieu, puisque tout outrage à l’homme est un outrage à Dieu ».
Interrogé, en outre, par rapport à son identité de prêtre catholique dans le champ littéraire, sa réponse est sans équivoque : « mon activité littéraire est fondamentalement un prolongement de mon ministère sacerdotal. Quand j’écris, je m’imagine au milieu de mes frères et sœurs en humanité qu’ils soient chrétiens, animistes ou musulmans et je partage avec eux mon expérience de foi, ma vision du monde ».
« Pour atteindre les gens aujourd’hui, estime le père Akpo, il faut aller vers eux et pour ce faire, le livre reste un vecteur essentiel. Mon homélie du jour ne touche que ceux qui sont venus à la messe ce jour ; un livre en revanche, ça va loin, ça voyage ! »