Le domaine médico-magique et les gris-gris du Bénin

Pour se soigner ou pour communiquer avec les divinités, l’homme, depuis

ses origines, emploie diverses substances naturelles du monde vivant ou inerte :

fruits d’aspect particulier, graines, rhizomes, bulbes et tubercules, feuilles,

écorces, racines, matières minérales du sol, coquillages, animaux vertébrés ou

invertébrés…

À la fois médicinales et magiques, ces substances bivalentes, enveloppées

de paroles rituelles, déploient des interférences entre le mythe et la réalité. Qu’il

soit malade ou simple consultant du sort, tout individu attaché aux coutumes

ancestrales qui sont les siennes, fait usage de ces pratiques médico-magiques

souvent déviées vers la sorcellerie.

Les tradipraticiens, héritiers des recettes de leurs prédécesseurs, maîtres

dans l’art de soigner par les plantes et désireux de faire progresser leur science,

recherchent les moyens de perfectionner leurs techniques en observant les

règles d’hygiène de préparation, améliorent la qualité de leurs produits par

l’apport de composantes nouvelles et échangent avec d’autres les résultats d’ef-

ficacité de leurs remèdes. C’est ainsi que des laboratoires équipés de systèmes

modernes ont pu extraire du matériel végétal indiqué les principes actifs cachés,

tester leur action sur l’animal, trouver les doses tolérables et confirmer ou infir-

mer leur rôle dans les pathologies. Nombreux sont-ils au Bénin, dans les villes

ou au plus profond de la brousse, ces méritants vecteurs de progrès qui souhai-

tent l’anonymat, mais dont les noms figurent pourtant parmi les participants

de l’enquête ethinobotanique et floristique du Bénin en 1989. Honneur doit leur

être rendu.

Cependant, en ce début du xx1° siècle, le Bénin continue de vivre dans la

peur du sorcier, sentiment bien connu des populations européennes du Moyen-

Age, terrorisées par quelques énergumènes malfaisants déguisés en loups-

garous qui violaient ou assassinaient à l’orée des forêts ou subjuguées par les

vertus surnaturelles des sorcières volant sur un balai d’une ville à l’autre

jusqu’au bout du monde.